"Déjà cent-vingt-sept morts inexplicables dans les cinq derniers jours. Les victimes de l'épidémie, des hommes âgés de quinze à soixante ans, semblaient en parfaite santé jusqu'à la survenance des symptômes. Fortes fièvres, vomissements, apparition fulgurante de tumeurs : à peine quelques heures après leur arrivée à l'hôpital, les médecins déploraient déjà le décès de ces cas inédits. Nos meilleurs spécialistes s'efforcent de dépister la bactérie afin de la canaliser efficacement, et d'empêcher le virus de se propager. Si vous êtes sujet à l'un des symptômes suscités, veuillez vous référer immédiatement à votre médecin traitant."
- annonce du ministère de la santé, 23 mai 2152

"La bactérie Ève continue de faire des ravages à travers le monde. Malgré les déclarations confiantes du docteur Heisenberg, premier spécialiste à déterminer la provenance du virus, aucun remède ne semble efficace. C'est à une véritable hécatombe que nous devons faire face, la première depuis l'abominable épidémie de rougeole des années mille-six-cent-dix-huit. Si le genre féminin tout entier est porteur de l'infection, notre humanité n'est-elle pas tout simplement vouée à s'éteindre ?"
- CBS, programme d'informations, 11 août 2153

"Faute d'une meilleure solution pour empêcher la calamité Ève de décimer la race humaine dans son intégralité, les spécimens contagieux seront désormais isolés du reste de la population. Les femelles de tout âge, représentant dès à présent un danger pour notre espèce, sont priées de quitter leurs foyers au plus vite et de ne chercher à entrer en contact avec aucun individu de sexe masculin, sous peine d'être exécutées sur-le-champ. Ces mesures radicales sont, nous le répétons, absolument nécessaires. Merci de coopérer."
- arrêté gouvernemental, 8 décembre 2158

"Afin de canaliser les effusions rebelles, les forces de l'ordre useront désormais de tous les moyens à leur disposition pour maîtriser les émeutes. Cette situation est regrettable, et nos experts travaillent jour et nuit dans l'espoir de découvrir un remède. Nous vous prions de garder votre calme, et de ne pas oublier que seuls les hommes sont sujets aux effets destructeurs du virus, et que ce n'est pas du genre féminin qu'il faut désormais s'inquiéter. Le dernier recensement dénombre sept mille huit cent douze survivants. C'est peu, nous devons l'admettre. Dans l'optique de les préserver de l'infection, la construction d'un refuge stérile et sain a été jugée nécessaire : il s'agit d'Elysium, cité d'un nouveau départ."
- apparition télévisée de Thomas Hopkins, président des états-unis d'Amérique, 9 février 2159

"Au cours des trente-deux dernières années, dix-sept villes jumelles ont été fondées, à l'image du monde paisible dont la bactérie Ève nous a tous privés. D'innombrables saboteurs, traîtres à leur race, ont déjà été bannis d'Elysium, pour avoir cherché à retrouver leurs anciennes familles, ou pire : à leur permettre de s'insinuer entre nos murs stériles, de ramener l'infection parmi nous. Aujourd'hui, nous répondons enfin à vos attentes. Les femelles ne sont plus nécessaires à la reproduction ; il est désormais possible de pallier à l'absence de cellules féminines de façon chimique, et complètement sans danger. Les fœtus créés en laboratoire, partiellement artificiels, représentent l'unique futur possible notre espèce. Des documents à ce propos devraient vous être communiqués très prochainement."
- annonce gouvernementale, 29 octobre 2191

"Soixante-quatorze. Soixante-quatorze fois, nos ancêtres ont échoué. Soixante-quatorze fois, notre peuple a péché, attendri par les charmes infernaux des diablesses qui rampent derrière nos murailles. Soixante-quatorze fois, notre espèce s'est laissée dominer par la peur, autorisant la gangrène démoniaque à régir leur vie. Soixante-quatorze fois, et pourtant, nous sommes encore là, nous sommes forts, et nous sommes libres. Notre Elysium, la soixante-quinzième et la plus belle d'entre toutes, ne sera pas souillée par le poison. Nous, enfants hybrides de l'évolution, nous parviendrons à protéger cette cité et à redonner espoir à nos descendants. Nous, mes frères, nous allons vivre !"
- extrait d'un discours de Juda Corbett, fondateur d'Elysium-075, 4 juillet 2875

Aux aurores du quatrième millénaire, un soleil synthétique brille au-dessus d'Elysium.
La soixante-quinzième cité idéale, refuge imprenable des débris de l'humanité. Cette gigantesque métropole, d'une surface de quarante-cinq milliers d'hectares, est la quintessence même des prodiges de la technologie : ce n'est plus seulement une ville, c'est un écosystème miniature, protégé par d'immenses murailles de métal que nul ne saurait escalader. Au-delà de ces frontières, le chaos règne en maître. Disséminées partout sur le continent, les ruines des soixante-quatorze essais précédents tiennent lieu de repaire au genre pestiféré, ainsi qu'aux troupes d'insurgés, bannis par le gouvernement pour s'être révoltés contre les mesures instaurées.

Les lois sont claires, implacables : afin de protéger le peuple des bactéries qui lui sont fatales et d'empêcher l'espèce de s'éteindre définitivement, tout contact avec les porteuses des germes infernaux est formellement prohibé. Quiconque transgressera cette règle absolue, que ce soit en essayant de franchir les murs ou pire, d'introduire une exilée à Elysium, se verra immédiatement condamné à une éternité d'errance hors du champ salvateur, abandonné à la maladie qui dévorera son corps et au désir interdit qui consumera son âme. Pourtant, malgré l'existence utopique qui leur est offerte, certains insurgés violent délibérément ces dogmes dans l'optique de rejoindre les sauvages qui subsistent tant bien que mal de l'autre côté des frontières, au risque d'être victime de la géhenne, Ève. D'autres, moins drastiques et plus prudents, se contentent de venir grossir le rang des rebelles éparpillés dans la capitale. Ces gens sont difficiles à dépister, et pour cause : ils ressemblent à n'importe quel autre citoyen.

Et puis, au cœur même de cette effervescence incessante, certains hommes jouissent paisiblement du confort moderne d'Elysium, indifférents aux conflits politiques et moraux qui font rage autour d'eux. Ces bienheureux ont renoncé depuis longtemps à chercher un remède, parfaitement comblés par le monde dans lequel ils sont nés. S'ils sont les plus satisfaits, ils sont peut-être les pires ; quel prix seraient-ils prêts à payer pour protéger l'univers dans lequel ils sont nés ?

IL EST L'HEURE DE CHOISIR VOTRE CAMP.